Fin de l’Histoire
Witold Gombrowicz

2015

CDDB-Théâtre de Lorient – CDN

 

L’été 1939, alors que la Pologne se prépare au pire, le jeune Witold doit faire face à sa famille qui se lamente de ses fréquentations, de son irresponsabilité, de son peu de goût pour la vie adulte. Witold se tait, il rêve d’atteindre le lieu où se crée l’Histoire dont il pense pouvoir changer le cours…

 

 

L’été 1939, alors que la Pologne se prépare au pire, le jeune Witold doit faire face à sa famille qui se lamente de ses fréquentations, de son irresponsabilité, de son peu de goût pour la vie adulte. Witold se tait, il rêve d’atteindre le lieu où se crée l’Histoire dont il pense pouvoir changer le cours…

 

Générique

Lettre aux acteurs

J’imagine le spectacle en quatre mouvements.
Le premier reposera sur le texte de l’Acte 1 de «l’Histoire » (Fragments 1 à 13), il s’organise autour de la confrontation de Witold avec sa famille, l’examen de maturité qui tourne mal et le procès qui, le condamnant au silence, lui donne enfin la parole. Il se terminera sur les mots de Witold : «…Si seulement je pouvais atteindre le lieu où se crée l’Histoire».
 S’ouvre alors le deuxième mouvement, qui est à inventer. Où l’on verra Witold au cœur de l’Histoire. Mais je me propose de le plonger non pas comme Gombrowicz dans le palais de l’Empereur Guillaume à Berlin en août 1914, mais en Crimée, dans le palais de Livadia, alors que s’ouvre la conférence de Yalta en 1945. J’aimerais que par ses actes et ses paroles, Witold y commette une uchronie. L’auteur d’une uchronie prend comme point de départ une situation historique existante et en modifie l’issue, créant un effet domino qui influe sur le cours de l’Histoire.
 Le troisième mouvement offrira un commentaire du deuxième mouvement. Une réunion de philosophes débattant du texte de Fukuyama sur « La fin de l’Histoire ». Witold sera présent en compagnie d’Hegel, de Marx, Kojève, Fukuyama et de Baudrillard.
Le dernier mouvement aura pour cadre, comme dans l’Acte 3 de « L’Histoire », le café Ziemianska à Varsovie. Nous ne serons plus au début des années 1930, mais aujourd’hui. Et Witold s’adressera depuis aujourd’hui aux poètes du vingtième siècle. Il traduira en actes ses positions sur la beauté.

Extrait

Janusz/Hitler
Il s’agirait d’envahir le 1er septembre la Pologne.

Witold
Quoi ?

Janusz
Il s’agirait d’envahir la Pologne, le 1er septembre, l’armée allemande…

Witold
Oui, mais moi je serai en Argentine au moment où vous aviez promis de ne rien faire.

Rena / Staline
Oh mais ça va. Moi je vais l’envahir quand tu seras revenu de l’Argentine! le 17 Septembre… Tu seras de retour, non ? Tu rentres quand? Tu seras content comme ça ? Tu seras là avant que tout le monde se fasse cramer.

Mère / Daladier
Excusez-moi mais je vais quitter la table parce qu’encore une fois, on ne parle que de guerres et d’invasions.

Rena
Si vous réagissez comme cela, c’est par les armes que les choses vont se régler. Bien, alors on sait tous ce qui va arriver en Pologne…

Witold
Le 17 Septembre… Mais qu’est-ce que vous allez faire, après ?

Janusz
La guerre à la Pologne. Envahir la Pologne. Se partager la Pologne. Et vous du coup, vous me déclarez la guerre après ?

Jerzy/Chamberlain et La mère
Oui.

Witold
Donc vous allez tous vous mettre sur la gueule, c’est ça ?

Janusz
C’est assez hostile, oui !

Rena
Sauf que moi, mon Witold… je ne suis pas venu les mains vides à cette réunion, et je vous propose de règler politiquement à Yalta 39, vos erreurs du traité de Versailles. Tu veux changer le cours de l’Histoire, je vais te le changer, moi tu vas voir ! Descends de la table !

Mère
Évidemment, vous n’étiez pas vraiment du côté des vainqueurs au Traité de Versailles…

Rena
Je suis venu ici avec un rameau de paix dans la main et un fusil de combattant dans l’autre. Ne laissez pas tomber mon rameau.

Père / Mussolini
C’est une contrepèterie ?

Partenaires

Production
CDDB-Théâtre de Lorient CDN

Coproduction
La Colline – Théâtre national, Théâtre national de Toulouse Midi-Pyrénées, Le Grand T – théâtre de Loire-Atlantique, Maison des Arts de Créteil

Avec la participation artistique 
du Jeune Théâtre National

 

Presse

« Comme il l’avait déjà montré en adaptant Ma mère de Georges Bataille au cinéma, Christophe Honoré prend beaucoup de liberté vis-à-vis de l’œuvre sans pour autant trahir l’auteur. Il n’est jamais enchaîné par Gombrowicz ; en témoigne la façon dont il se permet d’introduire un débat plutôt croustillant sur le concept de «fin de l’histoire», notion fameusement théorisée par Hegel puis par Alexandre Kojève. La tribune où les philosophes déjà cités sont rejoints par Marx, Jacques Derrida et Francis Fukuyama – chacun étant désigné par une étiquette – confrontent leurs points de vue sur ce thème, à la fois séduisant et spécieux, si on le déleste de ses connotations théologiques, contribue à la réussite de ce spectacle drôle, intense et généreux. »
— Libération, Hugues Le Tanneur, 12 novembre 2015

« Fiction et documentaire sont les ingrédients de base de cette comédie qui penche résolument vers la farce grinçante en faisant dialoguer I’ensemble de I’œuvre de Gombrowicz, Christophe Honoré invite aussi au débat les philosophes qui, de Hegel à Fukuyama, pointent la fin de l’Histoire et soumet les personnages de la pièce à un jeu de rôle décapant qui parodie et réinvente les accords de Munich de 1939 signés entre Hitler, Daladier, Chamberlain et Mussolini et qui scellèrent la mort de la Tchécoslovaquie De là à refaire les accords de Yalta entre Staline, Churchill et Roosevelt, il n’y a qu’un pas que Fin de l’Histoire franchit allègrement, dans un vertigineux jeu de miroir entre le traitement clownesque du spectacle et la façon dont les « grands de ce monde » décident du sort de la planète. Dans le décor monumental d’une gare de Varsovie, I’été 1939, la famille Gombrowicz accompagne 
Witold en partance pour l’Argentine. Une nuit d’attente qui va partir en vrille, avec une bande d’acteurs qui vont très loin dans le politiquement incorrect, dont certains faisaient déjà merveille dans Nouveau Roman. »
— Les Inrockuptibles, Fabienne Arvers, 28 octobre 2015

« Il y a de l’irrévérence dans l’air, du grotesque cher à Gombrowicz – de la provocation, une liberté dans le propos et le jeu des acteurs impressionnante. On chante, on danse, on se tape dessus. Francis Cabrel, moustache et cheveux longs, se métamorphose en Staline pour la conférence de Yalta. Alors, quand les puissants se répartissent le monde, Staline réclame l’Estonie, la Lituanie… et Agen face à un Daladier et un Chamberlain qui n’y comprennent rien. C’est jubilatoire, inattendu. Ça provoque de l’intelligence – sommes-nous des êtres historiques pensants ou des spectateurs impuissants face à l’Histoire en train de se faire ? »
— L’Humanité, Marie-José Sirach, 19 octobre 2015